Les premiers blues

Les premiers blues Itinéraires chronologiques

Alors que le genre lui-même existait depuis plusieurs décennies, le tout premier blues enregistré, Crazy blues par Mamie Smith, une chanteuse noire de cabaret de New York ne date que de 1920.

Le succès de ce titre pousse alors l’industrie du disque à s’intéresser plus avant à ce genre de chansons faites par des Noirs et qui trouvent des acheteurs africains américains. Dans la foulée, on enregistre alors quantité de chanteuses (Bessie Smith, Ma Rainey, Victoria Spivey) avant d’aller vers les Etats du Sud où il semble y avoir l’essentiel de la clientèle.

Des talent scouts passent alors le Sud au peigne fin, s’adressant aux bazars-stations services qui diffusent aussi des programmes radiophoniques à destination du monde rural. On enregistre ainsi en masse un peu tous les musiciens rencontrés qui chantent et jouent le blues. Ces disques sortent dans des séries spéciales destinées au public africain américain baptisées par euphémisme “Race Records”.

Grâce à ces disques, on a une idée de ce qu’ont été ces premiers blues, leurs terroirs, leurs styles fort différents les uns des autres, leurs interprètes. En effet, cette forme de chanson noire a essaimé un peu partout dans le Sud des Etats Unis en prenant ici et là des caractéristiques régionales très particulières.

Le Delta blues (il ne s’agit pas du vrai Delta du Mississippi mais d’une région au Sud de Memphis appelée ainsi car le Mississippi et un de ses petits affluents, la Yazoo River, forment sur ce territoire la lettre grecque Δ). Le Delta blues – souvent considéré comme le style le plus ancien de blues – raconte rarement une histoire mais colle ce que les bluesmen appellent là-bas des “versets flottants” qui n’ont pas de sens apparent mais qui, bout à bout, dégagent une grande poésie. Le morceau est très souvent joué de façon très rythmique sur un seul accord (modal) qui donne un tour hypnotique très particulier à ce style. (Charlie Patton, Tommy Johnson, Son House, Skip James, Bukka White, Big Joe Williams, Robert Johnson…)

Le blues du Piémont des Appalaches (Piedmont blues) est très différent. Il raconte une histoire, le jeu de guitare reprend les accords du ragtime (venu des Caraïbes et joué d’abord au piano) et la virtuosité instrumentale est constante. (Blind Blake, Blind Boy Fuller, Josh White, Gary Davis)

Le blues du Texas (beaucoup plus tardif) incorpore beaucoup de styles de guitare et de chant des vaqueros du Mexique à qui a appartenu cet Etat jusqu’en 1830: les histoires sont poignantes mais aussi pleines d’humour, le jeu de guitare est parcimonieux, note par note, joué bientôt non plus avec les doigts mais avec un plectre ou médiator. (Blind Lemon Jefferson, Texas Alexander).

Texte : Gérard Herzhaft / Blues sur Seine / Conseil Général des Yvelines.
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