“Devil got my woman” par Skip James

"Devil got my woman" par Skip James Paroles de blues

Attention : certaines paroles de blues et leur traduction peuvent ne pas être adaptées à un travail avec le jeune public.
Extrait de Blues Magazine n°58


Enregistré par Nehemiah Curtis Skip James dans les studios de la Paramount à Grafton (Wisconsin), en février 1931, grâce au producteur H.P. Speir, ce morceau ne fera ni la fortune de son auteur, ni sa renommée. en raison de la faillite de Paramount pendant la dépression. En revanche. deux petits malins se le sont approprié et en ont fait un succès. Il s’agit de J. Temple à Chicago avec Evil Devil Blues et Robert Johnson dans Me and the Devil. Désabusé, Skip James quitte la scène et ne sera redécouvert qu’en 1963. Il donnera un concert mémorable à Newport en 1966, avant de mourir en 1969, enfin reconnu.

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Ce premier texte enregistré par Skip James aurait une forte origine autobiographique, dans la mesure où il a été marié très jeune à Oscella Robinson, la fille d’un pasteur. Cette dernière est partie avec un ami proche lors d’un séjour au Texas en 1928 ou 1929. Il semblerait qu’il en ait gardé une misogynie récurrente dans ses textes et dans la vie. Plus tard, les habitants de son village, Bentonia (Mississippi), parleront de cette femme comme l’héroïne du texte, mais il chantait déjà le morceau avant son mariage. Etait-ce dans ce cas prémonitoire ?

Le thème, la femme infidèle, est complété par l’influence du Diable. Elle part non pas parce qu’elle en aime un autre plus que lui, mais parce que le Diable, celui avec qui Robert Johnson a passé un pacte, l’a influencé.

C’est dans la dernière partie où, finalement, il constate que ce n’est pas plus mal qu’elle ne soit plus là, car elle n’en valait certainement pas la peine.

Ce morceau attire, bien sûr, d’abord l’attention par le jeu de guitare exceptionnel et par le chant en voix de tête. Les paroles sont au premier degré et ne sous-entendent rien d’autre que la déception sur le genre féminin et l’impossibilité de faire confiance.

Intéressons-nous à Devil. La définition première c’est le Diable, mais pas le Diable associé à la chrétienté, le Diable associé au Hoodoo. C’est à dire à toutes pratiques magiques importées d’Afrique et qui ont perduré chez les esclaves et leurs descendants, en particulier dans les zones rurales. Le Devil, aussi appelé Big Black Man ou Rider est le descendant des Dieux des carrefours, Legba (cf. le pacte de Robert Johnson). Legba indique la route à suivre et détient la clé pour passer de l’univers visible à l’invisible, entre le monde des humains et celui des divinités. Donc, Devil got my woman n’a pas, dans la bouche de Skip James, la signification que lui confère la traduction le Diable possède ma femme. C’est moins effrayant, et cela ne renvoie pas autant à l’incarnation du mal que dans l’acception chrétienne du terme.

Texte : Patrice Gandois / Blues Magazine. Publié avec l’aimable autorisation de Blues Magazine. Tous droits réservés.

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Chronique : La Lettre et l’Esprit

par Patrice Gandois

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