“Prove it on me blues” par Ma Rainey

"Prove it on me blues" par Ma Rainey Paroles de blues

Attention : certaines paroles de blues et leur traduction peuvent ne pas être adaptées à un travail avec le jeune public.
Extrait de Blues Magazine n°70


Enregistré en 1928 chez Paramount, ce titre écrit et interprété par Gertrude Ma’ Rainey n’est pas à proprement parler un classique du blues connu de tous, même s’il figure parfois dans certaines anthologies du blues. En revanche, sa particularité est d’être un hymne à l’homosexualité féminine, et probablement la première chanson traitant du sujet aussi ouvertement.

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La « mère » du Blues a toujours revendiqué sa bisexualité. Au sommet de sa carrière, elle n’a donc pas hésité à choquer ses compatriotes en écrivant et chantant un texte à la première personne, où elle revendique le droit à une sexualité différente. Elle se serait inspirée d’une de ses amantes pour brosser le portrait du personnage. Cette période de l’entre-deux guerre était beaucoup moins convenue qu’on peut même l’imaginer aujourd’hui. Elle ne fut pas non plus la seule chanteuse de Blues à se faire le chantre de l’homosexualité féminine, il faut citer Lucille Bogan avec Women Won’t Need No Man (1927) et B.D. Women Blues (1935).

Ce morceau regroupe trois aspects provocants pour l’époque. Tout d’abord, la pochette du disque où l’on volt Ma’ Rainey habillée en homme portant chapeau, petit gilet et cravate qui aborde deux femmes dans la rue au nez et à la barbe d’un policier. Le texte qui accompagne cette pochette lève l’ambigüité si elle existait. La Paramount profite de la notoriété de Ma’ Rainey et la possibilité d’un scandale pour attiser l’intérêt du public et ainsi vendre un maximum de disques. Le titre est une provocation en lui-même, Prove It On Me Blues que l’on peut traduire par Prouvez-le, met eu défit les autorités de démontrer qu’elle est homosexuelle. Ce sentiment d’être intouchable et cette façon d’affirmer ses convictions se retrouvent chez de nombreux artistes au sommet de leur gloire. Le texte lui-même est une troisième provocation. Ici, pas de métaphores pour parler de la préférence sexuelle, elle affirme ne pas aimer les hommes, être amoureuse d’une fille (gal diminutif de girl), de ne sortir qu’avec des femmes et s’habiller en garçonne et l’assumer.

Le texte est construit de façon classique et explicite. Seules trois expressions méritent quelques précisions, La première, crooked, a généralement deux acceptations : courbé ou escroc. Dans le contexte, c’est par un amalgame des deux qu’on s’approche du signifiant, à savoir, quelqu’un qui n’est pas dans la norme et ne fait pas preuve de droiture morale. La seconde, make the wind blow all the while, montre que sa façon de s’habiller entraîne une de tempête. Et la troisième, like a fan, n’est pas à prendre au premier degré, comme un ventilateur ou comme un supporter, mais plutôt comme quelque chose assumé pleinement, avec fierté.

Texte : Patrice Gandois / Blues Magazine. Publié avec l’aimable autorisation de Blues Magazine. Tous droits réservés.

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Chronique : La Lettre et l’Esprit

par Patrice Gandois

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