Le blues : de la guerre de sécession à la crise de 1929

Le blues : de la guerre de sécession à la crise de 1929 Itinéraires chronologiques

Pendant la période de l’esclavage, la musique noire utilise des instruments d’origines diverses, tel le banjo, adaptation de plusieurs instruments d’origine africaine ou le fiddle d’origine irlandaise . Cette musique a trois fonctions principales :

  • Le travail dans les champs (work-songs transposés des chants ouest-africains),
  • Une fonction religieuse (apparition des négro-spirituals avec l’évangélisation des esclaves noirs , les hymnes religieux étant transformés en hymnes émancipateurs),
  • La danse avec les “plantation-dance”, mélange des danses africaines et européennes.

Mais le blues n’existait pas encore. Pour G.Herzhaft, le blues n’est même pas né de l’émancipation des Noirs, mais “des transformations de la musique noire sous l’effet des nouvelles conditions socio-économiques créées par l’émancipation.”

A la fin de la guerre de Sécession, l’occupation du Sud par les Yankees du Nord et la politique de “Reconstruction” conduisent à la disparition et au morcellement des grandes plantations. Trois millions et demi d’esclaves sont libres, certains deviennent ouvriers agricoles salariés ou métayers pour quelques uns. Les chaînes d’esclaves et les work-songs collectifs sont remplacés par les chants de cultivateurs solitaires, se répondant de champ à champ, les “hollers”.

D’autres cherchent du travail dans les fabriques autour des villes du Sud, notamment des usines textiles. C’est le début d’un courant de migration des plantations vers les villes du Sud puis du Nord après 1918. C’est la naissance d’un sous-prolétariat aux conditions de vie difficiles , mal logé, en proie à l’alcoolisme et à la délinquance.

La demande de “divertissement” s’accroît , une nouvelle profession naît : le musicien noir professionnel itinérant, le songster.

Après le départ des Nordistes des Etats du Sud en 1877, l’esprit de revanche des “petits blancs” sudistes, les “Bourbons”, s’exerce contre les Noirs et ce jusqu’à l’extrême avec les exactions du Ku-Klux-Klan. Le droit de vote des Noirs est remis en cause, ils sont très rapidement privés de leurs droits civiques, victimes d’une politique de ségrégation ils ne peuvent fréquenter les lieux publics réservés aux Blancs.

Cette situation amène l’émergence d’une culture négro-américaine : développement d’Eglises noires et des gospel-songs ; les “preachers” noirs délivrent leurs messages en chantant accompagnés de guitare ou de piano. Les songsters chantent des ballades parlant des Noirs aux Noirs. Ces pratiques musicales vont s’influencer mutuellement, jusqu’à définir une sorte de règle d’or de la ballade Noire : “du fermier solitaire et ses hollers, des nouveaux work-songs des chain-gangs [prisonniers employés dans les plantations], des prédicateurs, des pianistes de tripot, des songsters, surgit le blues dans le delta du Mississipi.” (La Gazette de Greenwood ).

Le premier disque de “blues” est gravé en 1920 à New York , “Crazy Blues” chanté par Mamie Smith connaît un gros succès. C’est alors la période de succès des “race records“, disques à destination du public noir, et des “classic blues singers” chanteuses issues pour la plupart des spectacles ambulants , les “tent show”.

Les plus connues sont Bessie Smith, Gertrude Ma Rainey. Elles n’ont que peu de rapport avec les bluesmen du Sud.

Mais le public du Sud réclame des artistes qui lui ressemblent, le disque se tourne vers les musiciens ruraux sudistes, qui vont concurrencer les classic blues singers. Ils chantent les souffrances de la rue, de l’alcool, de sexe, des catastrophes naturelles qui ravagent l’industrie cotonnière. Les musiciens commencent à se sédentariser et utilisent le piano à côté de la guitare. Plusieurs styles régionaux émergent :

  • Le blues du Delta du Mississipi, à forte influence africaine, un blues poignant et dramatique qui utilise la technique du bottleneck (Charlie Patton, Tommy Johnson, Son House, Robert Johnson, etc..).
  • Le blues de la Côte Est, autour des Appalaches, avec son apparente nonchalance, a un style de guitare très particulier : le ragtime. Le racisme moins fort dans cette région permet l’émergence d’un répertoire commun aux Noirs et aux Blancs (Blind Blake, Blind Willie, Reverend Gary Davis, Blind Boy Fuller, etc…).
  • Le blues du Texas, se développe dans un contexte esclavagiste encore très fort, dans un milieu très dur suite à la crise due à la maladie du coton. C’est un blues primitif mais ouvert aux influences hispano-mexicaines (Blind Lemon Jefferson, Texas Alexander, Leadbelly).
  • Le blues de la Nouvelle Orléans, avec ses influences franco-acadienne, espagnole, créole, anglo-saxonne (Lonnie Johnson).

Texte : Blues sur Seine. Tous droits réservés