1929 – 1945 : la crise et l’ascension du blues urbain

1929 - 1945 : la crise et l'ascension du blues urbain Itinéraires chronologiques

La crise de 1929 et sa grande dépression économique vont chasser les Noirs les plus pauvres vers les grandes agglomérations le long du Mississippi jusqu’à Chicago et Detroit. Les émigrants Noirs refusent d’avouer leur misère et n’envoient que de “bonnes nouvelles” à ceux restés au Sud, les grandes villes du Nord vont devenir l’eldorado. Chicago devient un “eden mythique”. Le blues évolue, les textes parlent plus d’amour que des conditions économiques et sociales. Les thèmes se policent, le blues se doit d’être respectable.

Le bluesman solitaire avec sa guitare s’entoure d’un orchestre composé d’une seconde guitare, d’un piano, d’une contrebasse, d’une batterie ou d’un washboard. En 1931, la marque Rickenbaker lance le premier modèle de guitare électrique, que Gibson améliorera en 1936. Issus du blues rural, les styles évoluent rapidement pour basculer vers un blues urbain :

  • Le blues de Memphis, blues urbain autour du port où se décharge et se vend le coton. Un blues orchestral, élaboré, léger et dansant (Frank Stakes, Memphis Jug Band, Memphis Minnie,Furry Lewis).
  • Le blues de Saint Louis, avec un piano dominant et une guitare qui improvise (Walker Davis, Leroy Carr).
  • Le blues de Chicago, débouché naturel de la vallée du Mississippi. La ville industrielle accueille après la Première Guerre Mondiale une importante main d’œuvre du Sud. C’est avec New York la seule ville possédant des studios d’enregistrement. De nombreux artistes de tout le pays s’y retrouvent, Chicago est un lieu musical en perpétuelle évolution.

Deux grands styles ont cohabité entre les deux guerres : le blues néo-classique et ses deux grandes figures, le guitariste Tampa Red et le pianiste Georgia Tom Dorsey ; puis le Bluebird blues, plus proche de la tradition du Sud (Washboard Sam, Big Bill Bronzy, John Lee “Sonny Boy” Williamson, Big Maceo).

Nouveaux bouleversements avec la Seconde Guerre Mondiale : après Pearl Harbor, l’économie de guerre des USA a un besoin massif de main d’œuvre pour l’industrie et d’hommes pour l’armée ; la population Noire va répondre massivement, renforçant ainsi la migration vers les villes industrielles, jusqu’à la côte Californienne. Certains Noirs vont devenir plus aisés et créent une nouvelle bourgeoisie. Trois millions de Noirs sont incorporés dans l’armée où ils subiront de nombreuses discriminations.

A leur retour dans le Sud, la ségrégation, toujours en vigueur, les poussera vers les villes du Nord. La “Petrillo’s Ban”, suspendant en 1943 le gravage des disques, précipite la fin du Bluebird blues d’avant guerre et beaucoup de bluesmen disparaissent, n’ayant pas su s’adapter à l’évolution et notamment à l’électrification de la guitare, de l’ harmonica et dans une moindre mesure du piano.

Memphis, plus que jamais capitale du Delta, voit ses célèbres jug-bands et string-bands céder la place aux musiciens “électrifiés”.

De Memphis à Chicago l’électricité donne une seconde jeunesse au blues, toute une musique mélangeant tradition et modernité qui bénéficiera des nouvelles techniques d’enregistrement, bandes magnétique et disques vinyles.

Texte : Blues sur Seine. Tous droits réservés