Blues et rôle des producteurs

Blues et rôle des producteurs Itinéraires chronologiques

Si le blues est effectivement né dans les communautés noires rurales du Sud Profond, dès qu’il a été enregistré, il a pris des formes que les producteurs, à la recherche du succès commercial avant tout et donc désireux de publier des disques au plus large public, ont largement contribué à façonner.

Dans les années 1930, les talent scouts comme Ralph Peer, Art Satherley ou Tom Guernsey, le véritable créateur des duos urbains guitare/piano en associant Leroy Carr à Scrapper Blackwell ont orienté le blues et choisi les interprètes les plus capables de vendre des disques. A Chicago, le Bluebird Blues est l’oeuvre presque exclusive d’un amateur de jazz, Lester Melrose qui découvre quantité de bluesmen, leur donne un répertoire, choisit les instruments. C’est lui qui, en 1938, introduira la guitare électrique dans le blues, une innovation “inquiétante” que rejetaient les musiciens.

Après la guerre, les majors de l’industrie du disque (Columbia, RCA, Decca) sont incapables de saisir l’évolution du blues et laissent heureusement la place à des producteurs indépendants, souvent des techniciens de radio, qui, à partir de très petits capitaux et de locaux artisanaux, créent des studios, enregistrent les musiques qu’ils entendent autour d’eux et que, très souvent, ils aiment.

C’est le cas des frères Len et Phil Chess à Chicago, qui en deux décennies élaborent avec l’aide du chanteur et bassiste Willie Dixon venu du Mississippi le catalogue de blues le plus prestigieux, de leurs concurrents noirs Vivian Carter et James Bracken (Vee-Jay), de Syd Nathan à Cincinnati avec les disques King et des frères Ertegun à New York avec Atlantic… Dans le Sud même, des amateurs de musique vont créer de petits labels, découvrir quantité d’artistes de blues et autres et façonner les musiques du XXème siècle: Sam Phillips à Memphis qui crée les disques Sun; ses employés, Stewart et Axton avec Stax (à l’origine d’une grande partie de la Soul); J.D. Miller à Crowley, père du “Swamp blues” qui influencera tant le Rock anglais.

Il faut aussi citer le rôle très important des folkloristes (John & Alan Lomax) qui, dès la fin du XIXème siècle, ont parcouru les Etats Unis, glanant des milliers d’enregistrements de musiques non commerciales (dont le blues) mais qui, publiées plus tard, deviendront des références (Lead Belly, Muddy Waters)

Texte : Gérard Herzhaft / Blues sur Seine / Conseil Général des Yvelines.
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