Robert Johnson : le mythe du blues

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Robert Johnson est plus qu’un emblème du blues : il en est un mythe. En effet, tous les éléments du mythe se retrouvent dans sa vie : une mort prématurée, un pacte avec le diable à un carrefour, une passion fatale pour les femmes, un doigté inouï capable de faire pleurer n’importe qui, la mort de son bébé et de sa femme de 16 ans pendant l’accouchement, le tout sur fond de misère et de grands-parents esclaves. Post mortem, il devient une source d’inspiration pour des grands comme Muddy Waters, John Lee Hooker, Elmore James, Robert Lockwood, les Rolling Stones, Eric Clapton, Jimi Hendrix…

Robert Johnson est né le 8 mai 1911, à Hazlehurst, dans le sud du Mississippi – Etat alors le plus dur à l’encontre de la communauté noire, pourtant majoritaire. Petit-fils d’esclaves, sa vie d’affranchi n’a cependant rien à envier à celle de ses grands-parents. En effet, après l’abolition de l’esclavage, les anciens esclaves sont devenus des employés exploités par ceux qui étaient, jusque là, leurs « maîtres ». C’est donc dans un climat de misère et de chaos familial que Robert Johnson vit son enfance. Mais il rencontre deux figures mythiques du blues : Charlie Patton et Willie Brown, qui lui enseignent les rudiments de la musique. Après avoir abandonné la guimbarde pour l’harmonica, Robert passe à la guitare et découvre le blues à 18 ans.

Un événement tragique le précipite dans la « musique du diable », corps et âme : en 1930, suite à un accident qu’il provoque lui-même, sa femme de 16 ans perd sa vie et leur enfant. Robert Johnson est anéanti. Pour calmer son immense peine, il se réfugie dans la musique au moment où Son House (1902-1988), mi bluesman, mi-prêcheur, vient s’installer à Robinsonville à la demande de Charlie Patton et de Willie Brown et il apprend avec eux les bases du blues. De retour à Hazlehurst, il rencontre Ike Zinnerman qui le poussera à prêcher la « mauvaise parole » du blues dans les états du Sud. Cet homme étrange disait devoir la maîtrise de son instrument à la fréquentation d’un cimetière ; il exerce une influence certaine sur Robert, qui répétera à maintes reprises avoir appris à dominer sa « six cordes » à minuit, sur les tombes. Lorsqu’il retourne à Robinsonville pour montrer ses progrès à Son House et Willie Brown, ceux-ci sont stupéfaits par ce jeune homme qui les a dépassés en virtuosité en seulement quelques mois.

Les heures passées à mettre en pratique son apprentissage sur les marches du palais de justice ou dans les « juke-joints » (où l’on venait boire pour oublier) ne suffisent pas à expliquer cette fantastique métamorphose. C’est que Robert Johnson aurait conclu un pacte avec le Diable… Voilà ce que relate sa chanson « Crossroads » (1936) : un soir, à minuit, en pleine misère et en plein désarroi, le Diable lui a rendu visite pour lui proposer un pacte : le talent en échange de son âme. Le blues, « musique du diable » : Johnson contribue largement à justifier cette appellation.

C’est entre 1936 et 1937 qu’il enregistre toutes ses compositions et qu’il multiplie ses concerts dans les états voisins. Le 16 août 1938, Robert Johnson meurt des suites d’un mystérieux empoisonnement… par un mari jaloux. Il n’avait que 27 ans. Ce meurtre intervient au moment où Robert Johnson était au sommet de sa gloire, et où les producteurs se l’arrachaient à prix d’or.

Pour conclure, cet homme apparaît moins comme un anti-héros que comme un pionner du blues. On ressent dans sa musique toutes les conséquences de la fameuse dépression américaine, de la prohibition et de cette tension raciste des années 20 et 30 du sud des Etats-Unis, mais sa musique est plus qu’un simple témoignage : la qualité poétique de ses textes est reconnue par tous comme la force de sa musique.

Une pierre tombale à la mémoire de Robert Johnson est dressée le 20 avril 1991, à Morgan City (Mississippi), à l’endroit où le musicien fut enterré en août 1938. On peut y lire :

« Robert Johnson, roi des chanteurs du Delta Blues. Sa musique fit vibrer un accord qui continue de résonner. Ses blues s’adressaient à des générations qu’il ne connaîtrait jamais et transformaient en poésie ses visions et ses peurs ».

Texte : Blues sur Seine. Tous droits réservés