“First time I met the blues” par Little Brother Montgomery

Attention : certaines paroles de blues et leur traduction peuvent ne pas être adaptées à un travail avec le jeune public.
Extrait de Blues Magazine n°66


Enregistré à Chicago chez Chess en mars 1960, ce morceau interprété par Buddy Guy symbolise à lui seul le Chicago Blues. Il a été écrit et composé par Eureal Little Brother Montgomery qui joue du piano sur l’enregistrement. Dans cette version qui reste son premier succès, Buddy Guy joue avec sa voix : il théâtralise et interprète le texte avec la conviction et l’implication des plus grands. On a l’impression d’un supplique à la mode gospel. Plus tard, quand il la réenregistrera, tout en gardant cette façon de vivre le texte, il laissera une plus grande place aux solos de guitare.


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FIRST TIME I MET THE BLUES

The first time I met the blues

People you know I was walkin’ I was walkin’ down through the woods
Yes the first time the first time I met you blues

Blues you know I was walkin’ I was walkin’ down through the woods
Yes I’ve watched my house burnin’ blues
Blues you know you done me you done me all the harm that you could

The blues got after me
People you know they ran me from tree to tree
Yes the blues got after me
Blues you know you ran me ran me from tree to tree
Yes you should-a heard me beg ya blues
Ah blues don’t murder me

Yes good mornin’ blues
Blues I wonder I wonder what you’re doin’ here so soon
Yes good mornin’ good mornin’ good mornin’ mister blues
Blues I wonder I keep wonderin’ what you’re doin’ here so soon

Yes you know you’ll be with me every mornin’ blues
Every night and every noon
Oh yeah

LA PREMIERE FOIS QUE J’AI RENCONTRE LE BLUES
La première fois que j’ai rencontré le Blues
Vous vous savez, j’marchais, j’marchais dans les bois

Oui, la première fois, la première fois que je t’ai rencontré toi le Blues
Blues, vous savez, j’marchais, marchais dans les bois

Oui, j’ai vu ma maison en feu Blues
Blues tu sais, tu m’as fait, tu m’as fait tout le mal que tu pouvais

Le Blues s’est accroché à moi
Vous vous savez, ils m’ont fait fuir d’arbre en arbre
Oui, le Blues s’est accroché à moi
Blues tu sais, tu m’as fait fuir, fuir d’arbre en arbre
Oui, tu as dû m’entendre te supplier toi Blues
Ah, Blues ne me tue pas

Oui, bonjour Blues
Blues je me demande, je me demande ce que tu fais ici si tôt
Oui, bonjour, bonjour Monsieur Blues
Blues je me demande, je continue à me demander ce que tu fais ici si tôt
Oui, tu sais, tu seras avec moi chaque matin Blues
Chaque nuit et chaque minuit
Oh yeah

Le premier élément à noter sur ce texte, c’est que le narrateur s’adresse directement au Blues comme à une personne en prenant son public à témoin. C’est un procédé utilisé par d’autres avant lui, par exemple Leadbelly dans Good Morning Blues. Pourquoi parler directement au Blues alors que si l’on s’en tient au sens premier, on le traduit par un nom commun : le cafard ? On peut y trouver deux fonctions : s’adresser à son for intérieur pour combattre ses démons, ses mauvaises habitudes, ses errements intérieurs, ses mauvais diables ou, alors, donner une identité au Blues qui ne prendrait sens que pour certains. Ce fameux double sens que les bluesmen utilisent pour parler de sexe sans craindre la censure.

Quand on observe les trois couplets qui composent ce texte, on constate que les paroles restent simples sans ambiguïté, compréhensibles par tous sans connivence argotique. Un premier couplet qui raconte la première rencontre avec le Blues, fortuitement dans la forêt sans s’y attendre, mais avec tout de même une maison qui brûle (accident, incendie volontaire ?). Un second couplet qui constate que malgré la fuite permanente, le risque de perdre la vie est toujours là. Et enfin, un dernier couplet plus fataliste, où le narrateur n’a pas d’autre choix que de vivre avec cette menace au-dessus de sa tête.

Et si tout simplement Blues signifiait le blanc, le raciste. Le texte, sa forme, l’interprétation si démonstrative, le public qui vit la même chose pris à témoin, tout prend sens. Le narrateur s’adresse au blanc qui a brûlé sa maison, qui le poursuit dans la forêt, d’arbre en arbre (une référence au lynchage). Il supplie le blanc de lui laisser la vie sauve. Et pour terminer, il s’étonne de sa présence permanente mais décide de s’en accommoder. Pour combien de temps ? Nous sommes en 1960, les temps changent, une certaine Rosa Parks a déjà refusé de se lever d’un bus pour laisser sa place à un blanc, un jeune pasteur Martin Luther King fait parler de lui… la fin de la ségrégation est en route.

Texte : Patrice Gandois / Blues Magazine. Publié avec l’aimable autorisation de Blues Magazine. Tous droits réservés.